Quel est l’impact de l’Ever Given sur l’assurance transport ?

Quel est l’impact de l’Ever Given sur l’assurance transport ?

La situation avec le navire “EVER GIVEN” bloqué dans le canal de Suez a éveillé les consciences sur l’importance du Canal de Suez dans les chaînes d’approvisionnement et l’économie mondiale. Quels aspects sont importants à relever du côté de l’assurance des marchandises transportées?

Nous en examinerons déjà trois:

  • Les cargaisons à bord doivent-elles contribuer aux coûts encourus?
  • Les dommages dus au retard sont-ils couverts par l’assurance transport de marchandises?
  • Quelles sont les conséquences sur l’assurance pour les marchandises sur des navires qui ont choisi d’emprunter une route différente?

En réponse à la première question, nous devons examiner le régime de l’avarie commune dans lequel les coûts des activités de secours et de sauvetage peuvent effectivement être récupérés auprès des propriétaires des cargaisons impliquées à bord du navire échoué. Si les biens étaient assurés, l’assureur garantira le remboursement de cette contribution.

Au sein de la garantie « Tous Risques » de la police maritime d’Anvers, les dommages matériels causés aux marchandises retardées sont couverts mais pas les dommages indirects ou consécutifs au retard. Pour répondre à la dernière question, les marchandises continuent à être assurées même sur de nouveaux itinéraires résultant de modifications du voyage prévu.

Avarie commune

Pour le moment, l’avarie commune n’a pas encore été déclarée et cela ne se produira probablement qu’à la livraison finale des conteneurs au port de destination.

L’avarie commune est l’un des plus anciens systèmes de droit maritime et la soi-disant loi de Rhodes relative au jet à la mer est souvent désignée comme sa première trace écrite au troisième siècle avant JC.

Le législateur distingue deux types de dommages: «l’avarie particulière» et «l’avarie commune».

Les avaries particulières sont supportées par le propriétaire de la chose qui a essuyé le dommage ou payées par celui qui en a supporté les coûts. (art. 2.7.1.3 Code belge de la Navigation).

L’avarie commune repose sur l’idée de solidarité entre l’armateur et les propriétaires de la cargaison transportée: ensemble, ils se lancent dans une aventure maritime. Dans cette aventure maritime, les ayants-droits du navire et de la (des) cargaison(s) doivent faire preuve de solidarité.

Le nouveau code de la navigation remplace l’ancien code de la navigation maritime obsolète par une référence aux règles de York et d’Anvers et aux Règles Rhénanes (IVR). Dans cet ancien code, les avaries communes étaient décrites comme « les dépenses extraordinaires faites, et les dommages volontairement exposés pour le bien et le salut commun du navire et des marchandises ».

Les Règles York Anvers (dernière version 2016) définissent un acte d’avarie commune : “quand, et seulement quand, intentionnellement et raisonnablement, un sacrifice extraordinaire est fait ou une dépense extraordinaire encourue pour le salut commun dans le but de préserver d’un péril les propriétés engagées dans une aventure maritime commune.”.

Cinq conditions peuvent être dérivées de cette définition. Il doit s’agir d’un sacrifice ou d’une dépense extraordinaire, c’est-à-dire d’un coût ou d’un dommage auquel on ne pouvait s’attendre au début du voyage. Il doit y avoir une expression de volonté, donc ce sacrifice ou dommage doit être le résultat direct d’une décision volontaire du capitaine. Ce sacrifice volontaire ou ce dommage doit être fait dans le but de sauver le navire et sa cargaison ensemble et pas seulement dans le but de sauver le navire ou la cargaison. Il doit y avoir une situation de danger réel : en d’autres termes, le navire et sa cargaison devraient être perdus si ces sacrifices ou dépenses extraordinaires n’étaient pas consentis volontairement. Enfin, il doit aussi y avoir une conséquence bénéfique, c’est-à-dire que grâce à ces sacrifices ou dépenses volontaires, le navire et la cargaison sont sauvés.

Des exemples classiques d’avarie commune sont les incendies dans lesquels les coûts d’extinction et de sacrifice de la cargaison peuvent être encourus, par exemple, en remplissant délibérément une cale avec de l’eau. Le jet de cargaison est également souvent donné à titre d’exemple, bien que cela soit préférable d’éviter dans les périodes soucieuses de l’environnement.

Le cas, comme nous le voyons ici, de « grounding » ou du navire échoué est un exemple classique d’avarie commune. Des remorqueurs peuvent alors être appelés, mais la machine peut également être forcée ou une partie de la cargaison déchargée pour remettre le navire à flot. L’armateur dispose d’un droit de rétention sur les marchandises transportées et les autres marchandises à bord pour lesquelles une contribution en avarie commune est alors due. Le droit de rétention est opposable au propriétaire des biens sur lesquels ce droit est exercé. (art. 2.7.1.7 Code belge de la navigation).

Par conséquent, s’il existe des raisons de déclarer des avaries communes, la cargaison ne peut, en principe, être livrée que contre paiement de la contribution de chaque cargaison et du navire dans les frais encourus. En pratique, il est impossible de connaître la répartition exacte des coûts au moment de la livraison. Cette répartition devra être calculée sur base de la valeur de chaque intérêt (cargaison et navire) au moment de l’achèvement de l’aventure commune.

En échange de la livraison de la marchandise, le capitaine obligera le destinataire à signer une General Average Bond. Ce General Average Bond est la déclaration de l’intérêt de la cargaison au dispacheur quant à la valeur des marchandises transportées et l’engagement de payer les sommes dues. Un formulaire d’évaluation permettra au dispacheur d’obtenir des informations détaillées sur la cargaison et la valeur de la facture ainsi que la valeur au moment de l’expédition. Si cette cargaison était assurée avant le voyage, les détails de la police d’assurance, les assureurs et le montant assuré doivent également être renseignés.

En plus du General Average Bond, le dispacheur de l’avarie commune demandera généralement une garantie financière suffisante à la partie intéressée aux marchandises afin que la contribution ultérieure puisse également être collectée assurément. Cela peut être fait au moyen d’un dépôt en espèces. Ce sera presque toujours le cas lorsque la cargaison n’est pas assurée. Cette contribution en espèces est estimée par les dispacheurs et exprimée en pourcentage de la valeur totale de l’aventure.

Si les marchandises sont assurées, les assureurs (chacun pour leur part) signeront une General Average Guarantee dans laquelle ils garantissent le remboursement des cotisations d’avarie commune.

La valeur réelle nette à la fin du voyage est prise en compte pour le navire. Pour la cargaison, la valeur est déterminée sur base des factures commerciales. La valeur de la cargaison comprend également le coût de l’assurance et les frais de transport (valeur CIF). À la demande du capitaine, l’état des pertes et avaries est établi par des dispacheurs à l’endroit où le navire est déchargé (art. 2.7.1.5 Code belge de la navigation). Les dispacheurs rédigent la dispache et calculent la répartition des pertes et des dommages (art. 2.7.1.6. Code belge de la Navigation).

Les règles de York et d’Anvers prévoient que lorsque l’événement qui a donné lieu au sacrifice ou à la dépense aura été la conséquence d’une faute commise par l’une des parties engagées dans l’aventure, il n’y aura pas moins lieu à contribution, mais sans préjudice des recours ou des défenses pouvant concerner cette partie à raison d’une telle faute (règle D YAR 2016). Pour l’appréciation de cette faute et la possibilité d’exercer un recours, la relation juridique et les dispositions contractuelles et / ou légales qui s’y appliquent doivent alors être prises en considération. Si, par exemple, les Règles de La Haye-Visby sont applicables, tous les motifs d’exemption (tels que l’incendie, la faute nautique, la fortune de mer,…) prévus par la présente Convention s’appliqueront également. Il existe une possibilité de recours contre la compagnie maritime si l’erreur peut être attribuée à l’innavigabilité du navire au départ du voyage. Des exemples récents dans la jurisprudence sont la panne du moteur principal causée par une usure anormale du palier de vilebrequin, qui est due à un entretien inadéquat par le propriétaire plutôt qu’à la présence de scories métalliques (MV Cape Bony) ou à l’absence de cartes de mer correcte qui ont abouti à l’échouement d’un navire (MV CMA CGM Libra).

L’avarie commune est toujours incluse dans la police d’assurance sur marchandises d’Anvers du 20.04.2004, quelle que soit la couverture souscrite (garantie limitée ou tous risques). Dans ce cas, il suffit de remettre les documents devant permettre la livraison à l’assureur dans les meilleurs délais, qui les signera et garantira le paiement final de la contribution. Les contributions en avarie commune, y compris celles qui consistent en dépenses dues ou exposées avant l’arrivée à destination, ne viennent pas en diminution de la valeur assurée.

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Retard

Jetons également un coup d’œil sur les cargaisons sur les navires en attente, qui sont susceptibles d’entraîner des retards de livraison importants. Le retard est un risque exclu de la police d’assurance marchandises d’Anvers. Les dommages dûs au retard ne signifient pas que l’assureur de marchandises doive intervenir pour les dommages consécutifs dus à la livraison tardive des marchandises. L’exemple classique pourrait être des décorations de Pâques qui ne seront livrées qu’après les fêtes de Pâques. Nous devons distinguer cela des dommages causés aux marchandises par un retard. Donc, si des marchandises périssables sont endommagées pendant le transport en raison d’un retard imprévu, il y a bien sûr des dommages. Cette exclusion attire donc l’attention de l’assuré sur le fait que la garantie est limitée aux dommages aux biens assurés, à l’exclusion des dommages indirects ou consécutifs.

Les marchandises restent couvertes sur l’itinéraire modifié

Enfin, les conséquences du changement de voyage prévu par les armateurs qui choisissent de naviguer via le cap de Bonne Espérance au lieu d’attendre que la situation dans le canal de Suez se débloque. Cette situation est régie par l’art. 3 de la police d’assurance d’Anvers sur marchandises. Cet article tient l’assuré couvert pour toute modification du voyage prévu, de la route ou des modalités de transport, en ce compris le séjour intermédiaire, le transbordement et la réexpédition, survenus hors de la volonté de l’assuré.

La couverture reste également acquise, moyennant une adaptation de prime à convenir, lorsqu’une modification, telle que précitée, survient par le fait de l’assuré.

L’assureur ne pourra donc jamais se prévaloir d’une aggravation du risque dans ces circonstances.

Jan Haentjens
General Secretary

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